L’affaire du nombre de réfugiés juifs refoulés aux frontières de la
Suisse pendant la Deuxième guerre mondiale focalise l’attention sur ce chiffre selon
l’hypothèse – présentée comme une certitude indiscutable – qu’un refoulement
était une mesure équivalant à une sentence de mort. Et pour signer l’infamie, les
réfugiés refoulés étaient identifiables par le tampon « J » apposé
sur leur passeport, un tampon qui aurait été imposé par la Suisse aux ressortissants
du Reich de confession juive.
C’est ce qui ressort des excuses officielles présentées le 7 mai 1995 à
la communauté juive par le conseiller fédéral Kaspar Villiger, alors président
en exercice de la Confédération helvétique : « En introduisant le tampon « J », l’Allemagne a fait droit à une requête
suisse. Ce tampon a été approuvé par la Suisse en octobre 1938. En nous fondant
sur une conception par trop étroite de l’intérêt national, nous avons alors
fait un choix incorrect. Le Conseil fédéral le regrette profondément et il s’en
excuse, tout en étant bien conscient qu’au final une telle défaillance est
inexcusable. »
L’importance de la chronologie est à noter : janvier 1995 –
introduction de la norme pénale antiraciste (article 261 bis CPS) ; mai
1995 – excuses officielles du Conseil fédéral dans l’affaire du tampon « J » ;
septembre 1995 – début de l’affaire des fonds juifs en déshérence avec la
visite d’une délégation du Congrès Juif Mondial (CJM) au siège de l’Association
suisse des banquiers (ASB) en vue d’enquêter sur les comptes juifs en
déshérence.
Ce n’est qu’après l’entrée en vigueur d’une norme pénale interdisant
toute recherche historique critique sur un chapitre controversé de l’histoire
de la Deuxième guerre mondiale, en rapport avec les fonds juifs en déshérence
et les excuses officielles de la Suisse, que la machine à dépouiller, à broyer et
à coloniser les peuples d’Europe pouvait se mettre « en marche » dans
les conditions nécessaires à son succès.
L’affaire du tampon « J » telle que la présente Kaspar
Villiger est totalement fallacieuse et constitue un véritable outrage à
l’honneur de nos ancêtres.
Depuis 1926 les ressortissants allemands pouvaient entrer sans visa en
Suisse sur simple présentation de leur passeport. Le principe de réciprocité
permettait aux citoyens suisses d’entrer en Allemagne dans les mêmes
conditions. En août 1938, conséquence de l’échec de la Conférence
internationale d’Evian qui était censée résoudre la question des réfugiés juifs
en provenance de la nouvelle Allemagne, l’ambassade de Suisse à Berlin présenta
au Ministère des Affaires étrangères du Reich une note demandant qu’un visa
soit délivré par un consulat suisse à tout ressortissant allemand désireux de
se rendre en Suisse. L’Allemagne rétorqua que cette décision allait entraîner
une mesure de réciprocité et que les ressortissants suisses seraient eux aussi
dans l’obligation d’obtenir un visa pour se rendre en Allemagne. C’était
obliger la grande majorité de la population à se soumettre à une mesure
restrictive qui ne concernait qu’une petite minorité. Le Ministère des Affaires
étrangères du Reich proposa alors d’apposer un tampon « J »
sur les passeports des Juifs allemands dans l’idée que cette mesure allait
faciliter le contrôle des Juifs quittant l’Allemagne pour se rendre en Suisse
ou ailleurs à l’étranger. Le Conseil fédéral se rendit à cette proposition, qui
n’était point due à son initiative ni d’ailleurs de son ressort, du moment
qu’elle n’obligeait pas la Suisse, en fonction du principe de réciprocité, à
apposer un tampon « J » sur le passeport des Juifs suisses. Seule
une telle mesure aurait pu justifier des excuses de la part de la Suisse
vis-à-vis de la communauté juive.
Comment est-il possible de croire que la Suisse aurait pu faire
autrement, du moment qu’une telle « proposition », formule purement
diplomatique, émanait d’un puissant voisin qui venait de conclure à Munich un accord
de paix avec la France et la Grande-Bretagne ?
Dès janvier 1939 la Suisse imposa le régime du visa pour tous les
étrangers : la question du séjour des étrangers en Suisse se réglait au
cas par cas (tourisme, affaire, transit, travail, asile politique, établissement)
sans discrimination due à la race.
Les excuses officielles présentées par Kaspar Villiger ne sont pas la
bévue d’un ignorant, mais bien l’acte d’allégeance de la Suisse au Nouvel Ordre
Mondial (NOM) proclamé à l’insu du plein gré du peuple et des cantons souverains.
Après qu’un armistice eût été signé en juin 1940 entre l’agresseur (la
France) et l’agressé (l’Allemagne), une ligne de démarcation sépara la zone
occupée d’un Etat français placé par l’Assemblée nationale de la République du
Grand Orient sous l’autorité du Maréchal Philippe Pétain. Le tracé de cette
ligne laissait entre la zone libre et la Suisse une frontière commune située
dans la partie sud du canton de Genève.
En août
1942, le Conseil fédéral ferma la frontière aux Juifs, une mesure qui visait
surtout la « fenêtre » de Genève par où un intense trafic se
développait depuis l’armistice conclu entre la France et l’Allemagne.
Avec
l’occupation de la zone libre par la Wehrmacht en novembre 1942, la Suisse se
retrouva entièrement entourée par les forces de l’Axe et le trafic frontalier
en fut rigoureusement contrôlé par les forces d’occupation allemandes. C’est
pourquoi le Conseiller fédéral von Steiger, sans pour autant lever formellement
les restrictions visant les Juifs, ce qui aurait provoqué un appel d’air (la
barque est pleine…), donna des instructions confidentielles pour que les
réfugiés juifs qui se présenteraient aux frontières ne soient pas systématiquement
refoulés.
La Commission
Bergier fut mandatée par le Conseil fédéral pour faire la lumière sur les fonds
juifs en déshérence mais non pas sur le sort des réfugiés juifs refoulés, une « discrimination »
surprenante puisque l’affaire des fonds juifs en déshérence relève du secret
bancaire et de la sphère privée entre les banques suisses et leurs clients,
alors que le sort des réfugiés est une affaire d’Etat. La Commission Bergier,
dirigée en fait par l’historien Saul Friedländer, un ancien du Betar et de
l’Irgoun (des références en matière de terrorisme…), fixe pourtant à 24 398
le nombre de réfugiés juifs refoulés
pendant la guerre. L’historien bâlois Jürgen Graf a examiné la question dans Le Contre-Rapport Bergier, un opuscule publié en mars 2000 par
l’Association Vérité et Justice. Jürgen
Graf avait alors estimé ce chiffre à 3000. Ce n’est toutefois pas le fait
d’avoir minimisé le nombre des réfugiés juifs refoulés qui valut à Jürgen Graf
une condamnation pénale mais parce qu’il se posait des questions sur leur sort
réel. En effet, selon la version obligée de l’histoire, les réfugiés juifs
refoulés étaient systématiquement voués à la mort.
Il y a sept ans, Serge Klarsfeld, célèbre chasseur
de nazis devenu historien de la Shoah, avait estimé lui aussi que 3000 réfugiés juifs avaient été refoulés par la Suisse.
Ce nombre a encore été revu
à la baisse après la publication le 27 mai 2017 de la thèse de doctorat (plus
de 1000 pages) de Ruth Fivaz-Silbermann intitulée La
fuite en Suisse. L'historienne
genevoise, qui a travaillé pendant près de 19 ans à sa thèse, a retrouvé la
trace de 2844 Juifs refoulés à la frontière franco-suisse, lieu de passage utilisé
par plus de 15 000 juifs qui se sont présentés à la frontière, et dont un
peu moins de 20 % – soit 2844 – auraient été refoulés.
Parmi les personnes refoulées, la doctorante de l’Université
de Genève aurait identifié 248 Juifs qui, selon elle, ont été déportés et exécutés
après leur renvoi par la Suisse. L’historienne estime qu’en plus des réfugiés
refoulés identifiés, quelques centaines d’autres Juifs inconnus auraient disparu
après leur renvoi par la Suisse.
En s’alignant sur les chiffres de Jürgen Graf, Ruth
Fivaz-Silbermann remet en question le chiffre de 24 398 refoulements lors
de la Deuxième guerre mondiale retenu par le Rapport Bergier. Reste la question
sensible des Juifs refoulés qui auraient disparu. Selon elle, la responsabilité
en incomberait aux seuls gradés en charge de la frontière (militaires,
policiers ou douaniers) qui auraient refoulés sans pitié des réfugiés qui se
présentaient au poste-frontière. En fait, des officines de mèche avec la
Résistance française fabriquaient des faux papiers d’identité à la chaîne et ce
trafic lucratif se monnayait fort cher : les services de renseignements
suisses n’en ignoraient rien. Ce qui explique pourquoi ceux qui en étaient munis
et qui tentaient de franchir la frontière parfois à de nombreuses reprises avec
différentes fausses identités étaient refoulés pour avoir utilisé de faux
papiers en toute connaissance de cause et à leurs risques et périls.
Il se confirme donc que les excuses officielles
présentées à ce sujet par Kaspar Villiger étaient totalement déplacées et que
Jürgen Graf avait raison.