buste d’Ezra
Pound (1885-1972) par Arno Breker
Imaginons un brillant intellectuel italien, publiant à
l’étranger une enquête fouillée sur les agissements criminels de la Mafia
sicilienne. Ce qui lui vaut d’être kidnappé, séquestré, torturé et déporté, arrêté
par la police de son propre pays, inculpé de trahison, de diffamation,
d’incitation à la haine, de troubles à l’ordre public. Mais ses accusateurs, se
rendant compte que l’accusé aura le droit de se défendre dans le cadre d’un
procès régulier et de prouver le bien-fondé de ses accusations, le font passer
pour fou et le font interner pendant douze ans dans un hôpital psychiatrique.
Digne d’une excellente série B, ce scénario aurait pour
mérite de faire comprendre, sans la moindre ambiguïté, que la patrie du divin
Dante est entièrement sous la férule de la Mafia sicilienne !
C’est exactement ce qui est arrivé à Ezra Pound, poète et
citoyen américain.
On se demande bien pourquoi Hollywood n’a pas encore
exploité le filon, avec un Schwarzenegger parfait dans le rôle du poète ;
après l’entre-acte, le retour du héros… baston « Triple A » du côté
de la City de Londres et de Fort Knox, bouquet final à Wall Street, Yahvé
lui-même confiné dans le cyclotron du CERN de Genève, le temps de méditer sur
les méfaits de l’usurocratie !
« Le défendant
a maintenant soixante ans, il est dans l’ensemble en bonne condition physique.
Etudiant précoce, il se spécialisa dans la littérature. Il s’exila
volontairement pendant quarante ans, vivant en Angleterre, en France, et les
derniers vingt et un ans en Italie, gagnant sa vie d’une manière précaire par
son activité de poète et de critique. Sa poésie et ses études littéraires sont
devenues célèbres, mais ces dernières années son intérêt pour les théories
économiques et monétaires l’ont apparemment détourné de la littérature. On l’a
toujours considéré comme excentrique, chagrin et égocentrique. En ce moment
même il ne se rend pas compte de sa situation réelle. Il affirme que ses
émissions n’avaient rien d’une trahison, et que toutes ses activités
radiophoniques viennent de la mission qu’il s’est lui-même assigné :
sauver la Constitution. Il est anormalement pompeux, de manières expansives et
exubérantes, son débit est précipité, il a tendance à se laisser distraire et à
s’écarter du sujet. A notre avis, sa personnalité, anormale depuis de
nombreuses années, s’est de plus en plus altérée avec l’âge, au point qu’il se
trouve aujourd’hui dans un état paranoïde qui le rend mentalement incapable de
consulter utilement un avocat, ou de participer avec raison et compréhension à
sa propre défense. En d’autres termes, il est dément, ne peut être jugé, et
doit être soigné dans un asile d’aliéné. »
Parfois ingrate, l’Histoire ne retiendra pas le nom de
cet éminent représentant de l’art hippocratique, digne pourtant de figurer au
Panthéon érigé à la mémoire de ses confrères staliniens de l’Institut Serbsky,
célèbres pour leurs soins attentifs appliqués aux récalcitrants du paradis
soviétique. Pourquoi faudrait-il qu’un vulgaire psychiatre yankee de série B se
torture les méninges à examiner le bien-fondé des arguments d’un vieux fou, quand la synagogue est derrière lui pour lui tenir la main ?
Deux jours après l’assassinat de Benito Mussolini, Ezra
Pound, qui ne cherchait nullement à s’enfuir ni à se cacher, fut remis aux
forces d’occupation américaine par des partisans. Il fut enfermé à Pise pendant
six semaines dans une cage de fil de fer barbelé. Placé au secret, personne
n’avait le droit de lui parler et il devait rester tout le jour au soleil ou
sous les intempéries et toute la nuit sous la lumière de puissants projecteurs.
Ramené aux Etats-Unis, Ezra Pound fut interné à l’hôpital
St-Elisabeth, un centre psychiatrique près de Washington destiné aux fous dangereux.
Il fut enfermé pendant quinze mois dans un immense dortoir sans meubles ni
fenêtres, dans lequel les malades passaient la plus grande partie de leur temps
immobilisés dans une camisole de force. Il fut ensuite transféré dans une
chambre commune occupée par une dizaine de patients et, après dix-huit mois de
promiscuité forcée, dans une cellule individuelle avec une table, une machine à
écrire et l’autorisation de lire et d’écrire. Il occupa ses loisirs à traduire
trois cents poèmes chinois qui furent publiés par l’université Harvard en 1954.
En 1947, les autorités sanitaires refusèrent le déplacement
du « malade » dans une clinique privée, sous prétexte que ce
transfert rendrait sa situation meilleure et plus confortable. Pourquoi punir
un malade, si les mêmes autorités le croyaient vraiment fou et donc
irresponsable ? En 1948, Ezra Pound reçut le prestigieux Prix Bollingen,
attribué par l’université Yale pour ses Cantos de Pise. Un geste éminemment charitable,
presque une libération dans l’esprit des puritains enjuivés et hypocrites de la
Côte Est, destiné certainement à encourager un pauvre aliéné, mais américain de
génie quand même, à suivre le bon chemin de la rédemption… En 1953, une nouvelle
expertise psychiatrique estima qu’Ezra Pound ne souffrait plus que de simples
« troubles de la personnalité », une conséquence sans doute de la
qualité des soins reçus… Dès lors qu’il était reconnu sain d’esprit, Ezra Pound
aurait pu, logiquement, passer en jugement, mais il n’en fut rien… Il dut encore
rester interné jusqu’au mois d’avril 1958, date à laquelle les charges retenues
contre lui par la Justice américaine furent enfin abandonnées. De retour en Italie
au mois de juin 1958, en descendant du bateau, Ezra Pound gratifia la foule et
les journalistes d’un vigoureux salut fasciste et déclara que l’Amérique
entière était devenue un vaste asile de fou…
Ezra Pound n’était pas de ceux qui se contentent de
critiquer. Il n’était pas non plus de ces artistes qui se satisfont des miettes
que les « mécènes » juifs laissent à leurs bouffons malpropres, justes
bons à distraire les lobotomisés du petit écran. Il cherchait d’autres voies,
d’autres solutions, pour résoudre une crise économique et financière rendue endémique
par un ultralibéralisme dominant, cache-nez de l’usurocratie prédatrice. En
1917, Ezra Pound rencontra à Londres le Major C. H. Douglas, le théoricien du
Crédit social, un système qui a sans doute le grave défaut de faire la part
trop belle aux travailleurs, au détriment des spéculateurs internationaux. De
même, il s’intéressa à la monnaie franche de l’économiste Silvio Gesell,
expérimentée avec succès en 1932 lors de l’expérience de Wörgl (Autriche), mais
vite interdite par la Banque centrale autrichienne, car susceptible de porter
atteinte aux intérêts de l’usurocratie.
Alors qu’il résidait dans l’Italie de Mussolini, pays où
il se sentait beaucoup plus libre de travailler qu’aux Etats-Unis, Ezra Pound
publia sur l’économie et la monnaie une série de brochures pendant les années
trente et quarante, dans le but d’éclairer ses compatriotes sur certains
aspects méconnus de leur histoire. Ce sont des extraits de ces brochures que
les éditions de l’Age d’Homme ont réunis et publiés en un volume sous le titre Le Travail et l’Usure. Ezra Pound se
croyait protégé par le Premier Amendement de la Constitution américaine, lequel
tient la liberté d’expression pour un droit absolu, et par le principe sacro-saint
dans les pays anglo-saxons de l’habeas corpus, exemples typiques de ces droits
de l’homme à géométrie variable, garantis aussi longtemps qu’on en fait pas
usage. Ezra Pound n’exerça jamais aucune responsabilité officielle dans
l’Italie fasciste. Il croyait aux vertus de la libre connaissance pour tous. Il
n’a jamais trahi personne, et surtout pas le peuple américain. Avec ses Cantos,
œuvre immense d’une immense érudition, et clef indispensable pour comprendre ce
monde qui est aussi le nôtre, Ezra Pound a sa place auprès d’un Homère ou d’un
Dante Alighieri.
Une lettre des
Rothschild à la Maison Ikleheimer datée du 26 juin 1863 contient ces paroles
incendiaires : « Il y en aura peu qui pénétreront ce système, et ceux qui
le comprendront s’emploieront à en jouir ; quant au public, peut-être ne
comprendra-t-il jamais que ce système est contraire à ses intérêts. »
Les jeux sont
simples : récolter l’usure au taux de 60% et plus, et varier la valeur de
l’unité monétaire au moment jugé opportun par les usuriers.
L’ignorance de
ces jeux n’est pas un produit de la nature, mais un effet de l’artifice. Le
silence de la presse, en Italie comme ailleurs, y a puissamment aidé. Cette
ignorance fut, en outre, patiemment élaborée. La véritable base du crédit était
déjà connue des fondateurs du Mont de piété de Sienne, au début du XVIIe
siècle. Cette base était et reste : l’abondance ou productivité de la
nature jointe à la responsabilité de tout un peuple.
Les banques et
les banquiers ont des fonctions utiles et virtuellement honnêtes. Qui fournit
une mesure des prix sur le marché et, dans le même temps, un moyen d’échange,
est utile à son pays. Mais qui falsifie cette mesure et ce moyen d’échange est
un scélérat.
Voici pourquoi
la radio de Londres, en proclamant la libération de l’Europe et de l’Italie, ne
répond jamais à la question : Et la
liberté de ne pas s’endetter, qu’en faites-vous ? C’est aussi pourquoi
Brooks Adams écrivit : « Après Waterloo, aucune puissance n’a pu
contrebalancer celle des usuriers. »
C’est pourquoi
Mussolini fut, il y a vingt ans, condamné par le Comité central de
l’usurocratie. Voici pourquoi se font les guerres : pour créer des dettes
qui sont payées dans une monnaie haussée. La guerre est le suprême
sabotage ; c’en est la forme la plus atroce. Pour dissimuler l’abondance
existante ou virtuelle, les usuriers suscitent les guerres, et ce, pour créer
la disette. Car il est plus difficile d’obtenir le monopole de matières qui
abondent que de celles qui sont rares. Les usuriers déclenchent des guerres
pour établir des monopoles à leur avantage, et pour ensuite étrangler le monde.
Les usuriers provoquent des guerres pour créer des dettes dont ils jouissent
des intérêts, ainsi que des profits résultant des fluctuations de la valeur de
l’unité monétaire.
De fait, après
l’assassinat du président Lincoln, rien de sérieux ne fut tenté contre
l’usurocratie jusqu’à la fondation de l’Axe Rome-Berlin. L’ambition italienne
de se donner la liberté économique, qui n’est autre que celle de ne pas
s’endetter, déchaîna sur elle les sanctions de sinistre mémoire. A ceux qui
rejettent le concept d’autarcie sous prétexte qu’il en coûte trop, que le blé
doit s’acheter là où il coûte le moins, je rappellerai que c’est justement
l’importation du blé d’Egypte à vil prix qui, sous l’Empire romain, ruina
l’agriculture italienne. Il est important de comprendre qu’une certaine
littérature, ainsi que tout le système journalistique contrôlé par
l’usurocratie mondiale, ne tendent qu’à maintenir le public dans l’ignorance du
système usurocratique et de ses mécanismes. L’ignorance de ce système et de ses
ressorts cachés n’est pas un produit naturel ; elle fut créée. Le
libéralisme et le bolchévisme se réunissent dans leur mépris fondamental de la
personne humaine. Le libéralisme dissimule son économie funeste sous deux
prétextes : la liberté d’expression et celle de la personne garantie en
théorie par la formule de l’« habeas corpus ». L’ennemi, c’est
l’ignorance (la nôtre). Au début du XIXe siècle, John Adams (pater patriæ) s’aperçut
que les défauts et les erreurs du gouvernement américain provenaient moins de
la corruption du personnel que d’une ignorance de la monnaie, du crédit et de
leur circulation. Nous n’avons pas bougé depuis. L’étude est jugée trop aride
par ceux qui n’en voient pas la portée. L’usure est un vice et un crime condamnés
par toutes les religions et par tous les moralistes de l’Antiquité. C’est dans
le DE RE RUSTICA de Caton que nous trouvons ce fragment de dialogue :
-
Que
dis-tu de l’usure ?
-
Et toi,
que penses-tu de l’assassinat ?
Je le
répète : on a perdu le sens de la distinction entre le productif et le
corrosif ; entre la division des fruits du travail fait en commun (soit un
juste et vrai dividende appelé partage dans la langue médiévale) et l’intérêt
corrosif qui ne représente aucun accroissement de la production utile et
matérielle.
Il ne s’agit
pas de faire de l’antisémitisme, mais de fouler aux pieds le système monétaire
hébraïque au moyen duquel les Juifs exercent leur épouvantable usure.
Ezra Pound, Le
Travail et l’Usure, (extraits) Editions l’Age d’Homme, Lausanne, 1968